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Le tantra yoga, au-delà des préjugés

Le tantrisme est souvent réduit à sa seule dimension sexuelle quand il est avant tout question de spiritualité et de méditation. La sexualité est en soi un sujet d’une grande complexité, dont l’approche est très variable selon les époques et les cultures, les mœurs, les croyances et les représentations. L’expression de la sexualité est en effet intimement liée à son contexte culturel qui dresse les contours normatifs qui la structurent et l’influencent. Elle est toujours conforme aux normes de son groupe social d’appartenance et dès lors qu’on s’éloigne de cette conformité, elle est tour à tour réprimée, objet de tous les tabous, toutes les obsessions, de tous les phantasmes. Les religions monothéistes notamment ont trop souvent considéré que le sexe était péché, niant en particulier tout l’aspect énergétique et vital que sous-tend la sexualité.

Il n’est donc pas étonnant qu’en occident, on peine à comprendre le tantra yoga, qu’on le réduise à sa seule dimension érotique et sexuelle, qu’il soit l’objet de plaisanteries et limité dans l’esprit des gens aux seules représentations iconiques du kama sutra, ou à un biais permettant une stimulation de la libido et l’épanouissement de la sexualité.

« La transgression d’interdits sociaux et moraux, ainsi que l’utilisation de la force sexuelle dans le tantrisme ont beaucoup fait fantasmer les Occidentaux. Il s’agit cependant selon Alexandre Astier, historien des religions indiennes, d’une vraie démarche religieuse et spirituelle complexe, très rigoureuse et très difficilement accessible ».

Certes, on peut y trouver les moyens de s’épanouir dans sa sexualité mais le tantra yoga ou yoga tantrique est avant tout une approche énergétique de la sexualité puisqu’il s’agit de rentrer en union totale avec l’énergie du Shakti, un concept définissant la puissance féminine créatrice et de la fécondité, à l’œuvre dans l’univers et son harmonisation avec Shiva, l’énergie masculine.

Elle représente la charge symbolique d’une unification des deux entités féminines et masculines conduisant à l’énergie et la conscience suprême.

Le mot « tantra » de deux mots sanskrits : tanoti (expansion de la conscience) et trayati (libération de l’énergie) ou encore Tan ( tissage) et Tra ( enseignements et méthodes). Selon Swami Satyananda, ce serait « la science de l’expansion de la conscience et de la libération de l’énergie ». On est donc assez éloigné d’une vision réductrice qui voudrait que le tantrisme se cantonne à n’être qu’une approche orientale de la sexualité aux dimensions uniquement érotiques. Il est avant tout question de techniques ayant pour but de permettre aux énergies de circuler dans le corps et d’atteindre un état de conscience modifié. La sexualité est alors à considérer dans son caractère thérapeutique, méditatif et spirituel puisque le tantrisme vise justement à rétablir les désordres qu’elle entraine lorsqu’elle n’est encadrée que par son carcan moral et culturel générateur de tout son lot de frustrations à l’origine de tant de blocages, de souffrances et de violences.

Le Tantra yoga, que d’aucuns appellent le « yoga de l’amour » aspire à réduire le sentiment de séparation en rétablissant l’unité avec soi-même et l’extérieur, à reprendre conscience de l’énergie qui nous traverse dans l’acte sexuel en éloignant les obsessions, les tabous qui le définissent trop souvent. On cherche le bien-être, l’équilibre intérieur.

De nombreuses formes de yoga-Paris puisent dans le yoga tantrique telles que le Yoga Nidra, le Shivaïsme du Cachemire ou bien encore le Kundalini Yoga. Le Tantra propose de suivre une voie vers la libération, qui réconcilie masculin et féminin, profane et sacré, sexualité et spiritualité, conscience et énergie.

A l’origine du tantrisme

Inventé au 19e siècle, « tantrisme » est un terme occidental issu du sanscrit « tantra », ensemble de textes, de doctrines, de méthodes initiatiques et de rituels venus d’Inde. Les écritures appelées « tantra » sont la continuation du véda. La civilisation védique de l’Inde antique place le désir au centre de la création mais le brahmanisme viendra ensuite s’y opposer.

L’origine du terme « tantrisme » serait donc fort ancienne et aurait précédé l’expression écrite formelle, laquelle date, pour les premiers documents connus, par exemple les textes de l’école des Kapalikas, du Vème ou VIème siècle après JC. Les tantra en tant que textes seraient dans la continuité des Védas, des formules de liturgie et de rituel qui apparaissent en Inde entre 1500-1000 av. J.-C. En Inde, les écritures brahmaniques furent, à partir des Védas, les dépositaires d’une grande partie du « Savoir Initiatique », recueilli par les premiers voyants « Rishis ».

La tradition védique nous enseigne les quatre âges de l’humanité (de l’âge d’or: Satya yuga, à l’âge du fer: Kali yuga – Notre époque actuelle).

Une littérature sacrée qui contient les fondements de toutes les formes de spiritualité indiennes :

Shruti : la révélation originelle reçue par les sages Rishi des temps anciens (des Védas aux Upanishads),Les Agamas ou Tantra Shâstras : la réadaptation de la tradition aux conditions de l’âge des conflits (Kali Yuga).

Les Védas seraient, dans cette optique, des textes faisant autorité pour le Satya Yuga (ou âge d’or), et les Agamas ou Tantras, pour le Kali Yuga, notre époque actuelle.

Le Tantra originaire de la région himalayo-indienne notamment la vallée de l’Indus, serait un système métaphysique considéré comme la base de l’univers reposant sur deux principes symbolisés par le couple masculin et féminin, Shiva et Shakti, une « présence » omnisciente et une « action de prise de conscience ». Le tantra traditionnel serait ainsi une « voie de transformation intégrale de l’être humain », qui passe par le corps et les cinq sens.

Le tantrisme a influencé différentes branches de l’hindouisme et du bouddhisme. Dès le 6e siècle on retrouve des cultes et des rituels tantriques dans de nombreux pays d’Asie comme l’Inde, la Chine, la Corée, le Japon, le Viêt Nam, le Tibet et la Mongolie. Aujourd’hui encore, les rituels tantriques diffèrent dans l’hindouisme et le bouddhisme ainsi que d’un pays d’Asie à l’autre.

A la voie de la contemplation, les tantras opposent celle de l’action, de la réalisation pratique, de l’expérience directe.  » La particularité du tantra réside dans le caractère de son sâdhava (pratique) qui s’accomplit par le réveil des forces dans le corps, un corps récipient de l’énergie divine  » qui constitue une voie de libération. Celle-ci se fait par l’intégration du désir à la spiritualité via la pratique d’exercices de yoga et de rituels tantriques. Le pratiquant utilise alors le désir pour transformer son corps, avec pour but de l’intégrer aux forces de l’univers.

André Padoux, indianiste français et grand spécialiste mondial du tantrisme, explique dans « L’énergie de la parole » que « le tantrisme veut permettre à l’homme d’atteindre la libération sans renoncer au monde, de parvenir à la paradoxale coïncidence de la manifestation et de la divinité. »

Il convient donc de considérer la profonde valeur spirituelle et traditionnelle du Tantra, qui invite par un héritage de textes sacrés à considérer l’homme dans sa globalité en termes physiologique, pathologique, moral, social, psychique et spirituel et non pas seulement d’un point de vue anatomique.

Le yoga tantrique a donc pour but de réaliser l’union avec l’énergie shakti. Cette énergie se retrouve dans le corps sous la forme de la kundalini à la base de la colonne vertébrale. Dans le tantrisme se trouve une description précise de corps subtils et de centres d’énergie (cakra), à travers lesquels la kundalini remonte. L’énergie de la conscience est le premier principe du Tantra.

Cette conscience Universelle se manifeste comme énergie, dans tout ce qui Est.

Et comme la conscience universelle qui l’a produite, cette énergie est Une. Le Tantra s’apparente surtout à un état d’esprit, une attitude par rapport à la recherche spirituelle.

La première caractéristique de cette attitude consiste à appréhender chaque expérience de la vie en termes d’Énergie plutôt d’en termes de valeur (immuables, rigides).

Dans le tantrisme, l’homme et la femme ne sont pas considérés comme égaux mais comme complémentaires.

La relation entre l’homme et la femme devient donc une interaction créatrice dans laquelle toutes les contradictions peuvent être résolues.

Tantrisme et sexualité

Stages, séminaires, ateliers, et diverses formations diffusent le tantrisme partout en Occident. On l’assimile à une méthode sexuelle permettant d’atteindre l’orgasme tantrique censé être bien plus intense qu’un « simple » orgasme. Cet orgasme superpuissant peut s’atteindre sans pénétration, en stimulant la totalité des parties corporelles de son ou de sa partenaire plutôt que de se concentrer sur les zones érogènes.

La méthode enseignée dans le monde occidental repose sur le principe d’un temps qui serait allongé ; un rapport pouvant ainsi durer plusieurs heures. L’atteinte de l’orgasme n’est d’ailleurs plus une fin en soi et si orgasme il y a, il doit être retardé le plus possible.

Cette approche de la sexualité à travers le tantra yoga-Paris est pourtant critiquée par d’éminents spécialistes du yoga et des religions indiennes.

Michel Angot explique ainsi l’engouement occidental : « l’aspect contestataire du tantrisme et l’utilisation des rites sexuels sont les aspects de la religion tantrique qui ont particulièrement plu en Occident. Mais les rites sexuels sont en réalité des pratiques exceptionnelles réservées à de rares initiés. »

Dans « Kiss of the Yogini », Gordon White David, auteur américain spécialisé sans l’histoire culturelle du yoga, explique que l’occident fantasme sur la ritualisation de la sexualité quand elle devrait considérer la sexualisation du rituel. Selon lui, « l’association du tantrisme à des pratiques sexuelles thérapeutiques issue du mouvement new age relève de notre ignorance occidentale. La plupart du temps, ce que l’on nomme aujourd’hui méthode « tantra » est donc très éloigné de l’esprit d’origine du tantrisme ».

Le but du yoga tantrique et d’atteindre l’union avec l’énergie féminine. Cela peut notamment se faire par des pratiques sexuelles ritualisées. Parmi les rituels tantriques, on retrouve notamment la méditation, le contrôle de la respiration, les mantras et les mudras..

Avec le tantra yoga, on est donc théoriquement assez éloigné d’une thérapie de couple qui viserait à améliorer la sexualité et toute proposition de formation, de stage qui afficherait l’ambition d’améliorer la sexualité par le yoga ne serait pas en phase avec les fondements spirituels du tantrisme. Mais après tout, chacun peut explorer les voies du yoga -Paris comme bon lui semble et vouloir redonner à sa sexualité une dimension d’écoute et de sensualité n’est pas en soi une démarche à bannir.

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