S’il est bien une chose qui nous questionne universellement, c’est véritablement celle du temps qui passe, de ces années qui défilent et de la clepsydre qui se vide… Derrière ces interrogations sur le temps, c’est évidemment les notions mêmes de vie et de mort qui sont exposées. Minute après minute, le temps s’éclipse et c’est notre vie qui ainsi s’écoule.
Toutes les philosophies se sont attachées à porter un regard sur le temps. En véritable art de vivre, le yoga n’y déroge pas. Explications dans les lignes qui suivent :
La trinité hindoue ou le principe d’impermanence
Sans pour autant être une religion, néanmoins, la philosophie du yoga partage avec l’hindouisme (et le bouddhisme qui naquit plus tard) un certain nombre d’idées. La Trimurti ou « trinité hindoue », qui explicite l’organisation temporelle du monde, en fait partie. La Trimurti, qui, en sanskrit, signifie littéralement « tri », « trois » et « murti », « formes » regroupe les trois énergies que sont « création », « préservation » ou « équilibre » et « destruction ». Ces trois énergies sont représentées de façon anthropomorphique par les divinités hindoues que sont Brahma, Vishnou et Shiva.
Cette trinité correspond au principe d’impermanence qui régit toute chose phénoménale, autrement dit tout chose manifestée et issue du monde. Ce principe que l’on nomme « anitya » en sanskrit et « anicca » en pali est un phénomène universel. En effet, absolument tout lui est assujetti. Ainsi, n’importe quel objet du monde paraît, puis se maintient un certain temps avant d’entamer un mouvement de décadence qui s’achève ultimement par sa dissolution. Tout ce qui existe est à la fois mouvant et éphémère. De ce fait, les yogis ont pour habitude de dire que l’unique chose permanente est l’impermanence.
L’illusion de la permanence ou l’origine de la souffrance
Les saisons passent et le calendrier n’est qu’une succession de dates. Ces changements ont un impact sur notre corps, sur notre humeur, sur notre sommeil, sur notre digestion, sur notre niveau énergétique, notre mental. Au-delà des changements naturels de la nature, tout ce qui est constitutif de notre vie est également rythmé par la naissance, le processus et la mort de chaque chose. Qu’elles soient physiques (corps, animaux, végétaux) ou mentales (pensées, émotions), tout est rythmé par ces cycles d’apparition et de disparition, de contraction et d’expansion.
Pourtant, l’être humain a tendance à oublier ce mouvement naturel et bien souvent, il considère les choses impermanentes comme si elles étaient permanentes. Dans la pensée yogique, il s’agit là de l’origine des plus grands maux de l’humanité.
À cet instant même, le corps vieillit, mais nous n’y prêtons pas attention. Les murs autour de nous, le sol et le plafond s’altèrent également. Tout se modifie et tout se dissout peu à peu. C’est un fait. Cependant, peu sont ceux qui y prêtent attention. Puis, un jour, nous regardons autour de nous et nous voyons un corps ridé et douloureux, des bâtiments prêts à s’effondrer. Nous nous souvenons alors avec nostalgie de temps perdus. Pourtant, rien ne s’est passé sans que nous ayons été impliqués et rien ne s’est joué sans que nous ayons été présents. Nous n’avons simplement pas été attentifs et nous avons été victimes de notre propre inattention. Nous avons ignoré le mouvement constant et naturel du monde. En d’autres termes, nous avons été inconscients.
La prise de conscience du cycle de la vie ou l’essence du yoga
La pratique du yoga permet la prise de conscience de cet état de fait qu’est l’impermanence, et ce dès la pratique physique des postures.
Les asanas illustrent eux aussi la divine trinité qu’est la Trimurti. En effet, chaque posture doit être créée et représente ainsi l’énergie de Brahma. Puis, chaque posture doit être maintenue pour un temps, ce qui correspond à Vishnou. Enfin, chaque asana doit être détruit, processus représenté par Shiva. La maîtrise d’une posture passe par la capacité à intégrer ces trois phases qui la constituent. Ce sont Brahma-création, Vishnou-équilibre et Shiva-destruction. La pratique des asanas permet donc de se rappeler continuellement de l’impermanence des choses phénoménales. Le yoga nous invite à chaque mouvement à prendre conscience que tout passe, que tout change et que rien ne demeure jamais immuable.
Selon le yoga, une grande partie de la souffrance provient de notre propre résistance à accepter cet état impermanent inhérent à chaque chose. C’est ainsi que notre cœur se serre à l’idée que les années passent et que la fin approche. Pourtant, le fait même d’être né présage de l’issue.
La faculté à prendre conscience du changement, à observer les modifications qui prennent forme, à reconnaître la naissance, la croissance, la maturité, le bref maintien, la contraction, la désintégration et la mort de chaque phénomène comme étant inhérents à la nature même de ceux-ci, est ce que l’on nomme « YOGA ».
La nature fondamentale de toute chose est son caractère passager. Rien n’est semblable pendant deux moments consécutifs et tout est en constante transformation . Tout change, tout apparaît et disparaît sans cesse. Lorsque nous prenons conscience du caractère impermanent de toute chose, nous réalisons qu’à chaque instant tout est neuf et frais et que nous sommes par conséquent libres d’écrire et de réécrire les pages de notre existence.
Juillet 2020, Alexandra JOY.