1er mars 2022 : la communauté hindouiste célèbre Maha Shivaratri, autrement dit la nuit de Shiva !
À quoi correspond véritablement cette fête ? Que symbolise-t-elle ? Et pourquoi les yogis en ont fait l’un de leurs rituels annuels majeurs ? Réponses dans les prochaines lignes.
1. Shivaratri : origines et célébrations
« Maha Shivaratri » se décompose en plusieurs mots. En premier, « maha » signifie « grand ». On retrouve ce terme dans « maharaja » qui se traduit par le « grand roi ». Le terme « Shiva » représente la divinité du même nom. Et enfin, « ratri » signifie « nuit » en sanskrit. « Ratri » fut pendant la période védique LA divinité associée à la nuit au même titre que « Chandra » personnalise la force divine de la lune.
« Maha Shivaratri » correspond donc à « la grande nuit du Dieu Shiva ».
La culture hindouiste compte plusieurs grands festivals. Le festival de Shivaratri est, avec Holi (la fête des couleurs) et Divali (fête des lumières), l’une des plus importantes célébrations du calendrier hindou.
En réalité, chaque mois du calendrier lunaire comprend sa propre nuit de Shiva. Il s’agit de la nuit qui précède la nouvelle lune. En revanche, une fois par an, il s’agit de la GRANDE nuit de Shiva. Cette nuit de Shiva intervient à la toute fin de l’hiver, avant le renouveau qu’apporte le printemps.
2. Shivaratri : rite et symbolique
La célébration de Maha Shivaratri consiste en une nuit entière de prières en l’honneur du dieu Shiva. Il s’agit de chanter des kirtans, de répéter des mantras au nom de Shiva et de méditer sans interruption toute la nuit durant.
Pour rendre hommage à la divinité Shiva, il est également de coutume de se réunir autour d’un feu sacré que l’on nomme « agnihotra ». On y jette des grains de riz et autres offrandes que l’on nomme « ahutis ». Ce processus est accompagné de différents mantras, dont le bien connu « svaha » au moment même de l’offrande au feu. Par cette action symbolique, le pratiquant purifie son corps, son esprit et son âme et, de concert avec l’arrivée du printemps, il se prépare au renouveau de son être.
Cette célébration est précédée d’un mois de jeûne, d’abstinence et d’ascétisme. On peut comparer cette période qui précède Maha Shivaratri au carême ou au ramadan.
3. Shivaratri : Shiva et le yoga
Il est vrai que Shivaratri est une fête hindouiste. Elle s’inscrit dans le cadre d’un rite religieux. Le yoga célèbre massivement la nuit de Shiva. Pourtant, rappelons-le, le yoga est une discipline areligieuse, ou plus précisément, une pratique ouverte à toutes les formes dévotionnelles.
Historiquement, le yoga s’est développé à la même période et dans le même bassin géographique que le védisme qui, quelques siècles plus tard, donna naissance à l’hindouisme. En outre, le yoga partage avec ces religions les mêmes textes fondateurs.
Le yoga est bien plus que la seule pratique des asanas. Il se compose de quatre branches majeures :
- du karma yoga ou yoga de l’action,
- du jnana yoga ou yoga de l’intellect,
- du raja yoga ou voie royale (celle qui regroupe les pratiques physiques)
- et enfin du bhakti yoga ou yoga de la dévotion.
C’est au sein de cette quatrième branche que le yoga, par proximité autant que par mimétisme, a emprunté à l’hindouisme certains de ces rituels dévotionnels. Shivaratri en est l’un des exemples majeurs.
D’un point de vue yogi, ce qu’il faut retenir de cette célébration est la symbolique même de la divinité Shiva. Avec Brahma (divinité de la création) et Vishnou (dieu de l’équilibre) Shiva est le troisième pilier de la Trimurti, la fameuse trinité hindoue. Ensemble, ces divinités représentent le cycle de la vie. En effet, toute chose matérielle parait en ce monde : c’est la naissance que représente Brahma. Puis, tout chose matérielle se maintient un temps dans ce monde : c’est l’état d’équilibre que corrobore Vishnou. Et, enfin, toute chose matérielle décline jusqu’à disparaître : c’est la destruction que symbolise Shiva. Shivaratri est un moyen de prendre conscience de notre caractère impermanent et de s’abandonner à cet état naturel contre lequel le mental et, plus récemment nos sociétés, ne cessent de lutter.
En outre, ce festival est l’occasion pour le yogi de détruire tout ce qui, en lui, l’empêche d’élever son être. C’est l’occasion pour le yogi de jeter au feu de la destruction (qui est aussi celui de la transformation) toutes émotions et toutes les pensées négatives qui l’appesantissent et que l’on nomme haine, jalousie, rancœur, convoitise, mensonge, manque, désirs, incomplétude…
Enfin, symbole de l’achèvement de l’hiver et de la période obscure, Maha Shivaratri offre au yogi la possibilité d’invoquer le changement, de s’abandonner à la transformation et d’accueillir à bras ouverts le renouveau.
Alexandra Joy.
Mars 2022.