Le terme Ashtanga provient de deux mots sanskrit « ashta » qui signifie huit et « anga » qui veut dire membre.
Ashtanga Yoga
Retour sur des fondamentaux
Le terme Ashtanga provient de deux mots sanskrit « ashta » qui signifie huit et « anga » qui veut dire membre. Il faut revenir aux fondements du yoga sutra de Patanjali que nous avions abordé dans un précédent article pour bien comprendre comment s’insère l’Ashtanga dans la constellation complexe des textes fondateurs du yoga.
Les 195 sutras de Patanjali sont répartis en quatre chapitres (pada), exposant les huit membres (anga) du yoga. Les huit membres appelés aussi branches sont les yamas comprenant l’ahimsa (non violence), satya (l’être vrai), l’asteya (le non vol), Bramacharya (le comportement qui mène au Brahman -le contrôle des sens- puis les nyamas qui nous conduisent vers la pureté et viennent ensuite asana (la posture), pranayama (le souffle, la respiration yogique), pratyahara (le retrait et la maitrise des sens), dharana (la concentration), dhyana (la méditation), samadhi (le but ultime de l’état d’unité et de contemplation profonde, l’illumination, l’alliance entre le soi -atman- et l’absolu -brahman-).
Les quatre chapitres sont Samadhi pada (la contemplation), Sadhana pada (l’attention), Vibhuti pada (la concentration et la contemplation), Kaivalya pada ( celui qui révèle l’objectif du yoga, le Samadhi).
C’est dans le deuxième chapitre que Patanjali décrit deux formes de yoga : Kriyā yoga (yoga des techniques) et Ashtanga yoga, le yoga à huit branches dont les quatre premières correspondent au Hatha yoga. Et c’est la raison pour laquelle on dit parfois que le yoga Ashtanga dérive du Hatha yoga.
Comme souvent dans le yoga, les origines précises sont difficiles à cerner car les textes sanskrit appellent à interprétation, qu’ils se transmettent par voie orale, que les maitres s’en emparent et constituent leur propre école. Ainsi, on trouverait un texte intitulé « Yoga Korunta » écrit par Vamana Rish entre 500 et 1500 avant JC, un texte sur lequel aurait pu s’appuyer Patanjali si tant est qu’il ait existé en tant que personne et non en tant que courant de pensée. Mais une référence est incontournable dans la diffusion du yoga Ashtanga : Tirumalai Krishnamacharya
Tirumalai Krishnamacharya
Né le 18 novembre 1888 dans le village de Muchukundapuran dans l’Etat du Karnataka, anciennement Etat du Mysore, il reçut son nom en l’honneur du Seigneur Krishna, une des incarnations du Seigneur Vishnu. Son père lui enseigna les Vedas dès sa plus tendre enfance, comme on le faisait traditionnellement dans les familles brahmanes. A l’âge de cinq ans il aurait commencé à apprendre à parler et écrire le sanskrit et aurait à partir de douze ans reçu les enseignements originels du yoga Rahasya, un long texte yogique fondateur. A la mort de son père et guide spirituel quand il a dix ans, sa famille s’installe dans la ville de Mysore. Il y reçoit une instruction plus formelle.
Puis la légende dit que Krishnamacharya aurait eu à l’adolescence une vision, une sorte de rêve étrange dans lequel serait apparu son ancêtre Nathamuni qui l’invitait à rejoindre la ville d’Alvar Tiruganari où lui même aurait retrouvé les enseignements perdus de Nammalvar, l’un des douze Alvars ( ceux qui sont immergés en Dieu), ces saint-poètes qui adhéraient à la « dévotion émotionnelle », le bhakti, envers Vishnu et ses avatars tels Krishna et Rama. Pour bien comprendre la dimension « sainte » de ces personnages, on rappellera à titre d’exemple que Nammalvar, « celui qui est né pour nous guider », serait né illuminé et resté seize ans dans le trou d’un tamarinier à méditer dans la position du lotus.
Pour Krishnamacharya, il était clair qu’il était destiné à jouer un rôle majeur à l’instar de son ancêtre Nathanumi, dans la perpétuation de la tradition du yoga. Mais il était donc nécessaire de parfaire ses connaissances. Il poursuit son travail entre Varanasi ( Bénarès), Mysore et le Népal où il suit pendant sept années l’enseignement de son maitre Rama Mohana Bhahmacari. Une étape fondamentale et un enseignement d’une grande intensité à une époque où la transmission se fait essentiellement par voie orale. Tout élève doit payer son dû à son maitre, on appelle cela le « guru Daksina ». Rama Mohana Bhahmacari aurait alors réclamé à Krishnamacharya de retourner vers le monde, de se marier et de transmettre le message du yoga. Il retourne ainsi en Inde pour parfaire ses connaissances universitaires. Ses savoirs immenses impressionnent et il devient le professeur de yoga du Maharaja et de toute sa famille. Le maharaja le mécène et cela permet à Krishnamacharya de créer la Yoga sala dans le palais, un lieu dont l’objectif est de répandre la connaissance du yoga et de ses bienfaits. Parmi ses jeunes élèves il compte B.K.S Iyengar et Patthabi Jois auxquels il apprend des postures de yoga dynamiques organisées en enchainements fluides (Ashtanga Vinyasa yoga).
Son enseignement s’appuie sur des piliers fondateurs : l’importance du pranayama, la patience et l’exigence, la foi et l’humilité et enfin le vinyasa. Cette dernière notion rappelons le, consiste à passer d’une posture à une autre en y associant la respiration.
Alors même que Krishnamacharya soutenait que les textes de yoga les plus importants étaient les Yoga Sutra de Patanjali, le Yoga Rahasya de Nathamuni et la Bhagavad-Gita, sa plus grande force était sa capacité à prendre « l’enseignement classique du yoga et de la philosophie indienne » et de les combiner dans un cadre moderne. En faisant ceci il pouvait, fort de ses savoirs considérables, raviver la pratique du yoga de sorte qu’elle soit « précise et puissante ». C’est la raison pour laquelle on a coutume de dire que l’Ashtanga est un yoga dynamique mais aussi un condensé des « autres yogas » : Buddhi yoga, Gyan yoga, Hatha yoga, Sanyas-yoga, Karma yoga, Bhakti yoga.
Dans la lignée de Tirumalai Krishnamacharya
L’enseignement de B.K.S Iyengar et Patthabi Jois est basé sur l’enseignement qu’ils ont reçu de Krishnamacharya dans la Yoga sala de Mysore dans les années 1930. Un yoga dans sa forme originelle la plus traditionnelle, l’Ashtanga yoga. Leurs écoles se sont construites sur la base de leur propre expérience de jeunesse. Ils ont en effet perpétuer une tradition de yoga dynamique qui était approprié à de jeunes constitutions puisqu’ils reçurent son enseignement alors qu’ils étaient encore que de très jeunes adolescents. Un yoga dynamique centré sur la pratique posturale (asana).
On a tendance à considérer que c’est Pattabhi Jois en tant que plus vieil élève de Krishnamacharya qui aurait principalement développé et diffusé ce courant du yoga dans la seconde moitié du XXème siècle puisqu’il reprit le flambeau après le départ de Krishnamacharya de Mysore et continua d’enseigner et de le diffuser en occident jusqu’à sa mort en 2009 à l’âge de 92 ans.
Rappelons qu’aujourd’hui on parle de différentes écoles mais que le yoga est avant tout une philosophie dont se sont emparés et s’emparent encore les maitres yogi ou les professeurs avec des variantes et approches personnelles.
Une explication simple du yoga Ashtanga
Le yoga Ashtanga est donc un yoga dynamique qui travaille sur la synchronisation entre la respiration et une série de postures immuables. Cet enchainement de postures est considéré comme une forme de « gymnastique de santé » destinée à harmoniser le corps et l’esprit. Cette méthode est très prisée aujourd’hui en occident. Le principe est relativement simple, la séance débute par une salutation au soleil, puis suit l’enchainement de postures progressives et adaptées en synchronisant son souffle entre les mouvements et on termine par savasana une posture de relaxation. On parle de trinité fondatrice : mouvement, posture et respiration. Inspirations et expirations se font par le nez, la respiration ujjayi.
Si ce type de yoga est accessible à tout le monde, il reste relativement physique. Il faut donc bien entendu adapter son niveau de pratique.
Le yoga Ashtanga garantit une meilleure résistance et une plus grande endurance physique et mentale. La répétition des postures permet de pratiquer chez soi mais il faut d’abord atteindre une bonne maitrise des mouvements pour s’assurer auprès d’un professeur qu’ils sont correctement réalisés pour ne pas en perdre les bénéfices et éviter de prendre de mauvaises habitudes.
Le point primordial yoga Ashtanga est la prise de conscience du souffle. Pour passer d’une posture à l’autre de manière fluide, on se concentre sur une inspiration et une expiration lente et profonde afin d’oxygéner complètement le corps (à titre d’exemple, partir de samasthiti en étirant lentement les bras vers le haut en inspirant, arrêter 2 secondes, puis en expirant, redescendre les bras). L’attention portée pleinement sur le souffle et la qualité des postures permet au mental de s’apaiser, de se reconnecter au corps, de libérer les tensions et le stress qui les accompagne.
Le yoga Ashtanga procure beaucoup d’énergie car les postures sont accompagnées d’étirements qui facilitent sa circulation et de contractions (bandhas) qui permettent d’accumuler le souffle vital (prana) dans les parties le plus profondes des tissus du corps. Le regard est essentiel, appelé drishti, il se fixe sur un point unique et oblige la concentration pendant la posture.
Le yoga Ashtanga se caractérise par l’enchainement de séries prédéterminées de plus en plus difficiles à réaliser. Il est ainsi souhaitable de réaliser au mieux chaque posture avant de passer à celle qui suit. Cela nous enseigne patience (titiksha) et humilité. Cependant il est à noter que dans le yoga Ashtanga, les individus restent moins longtemps dans une posture car chaque posture est liée à un nombre défini de respirations (5 ou 8), ce qui permet justement un enchaînement rapide de plusieurs postures. C’est la raison pour laquelle cela suppose un plus grand investissement physique et qu’on considère qu’il est plus dynamique que les autres forme de yoga traditionnel.
La technique de respiration est particulière et la durée de l’inspiration et de l’expiration sont déterminantes dans la transition des postures.
Les bienfaits de l’Ashtanga yoga
Le Ashtanga yoga avait pour Krishnamacharya l’ambition d’améliorer la santé. Il n’hésitait pas à convoquer ses connaissances ayurvédiques et à mêler pratique du yoga, nutrition, travail du souffle, diagnostic du pouls, de la couleur de la peau… Il engageait véritablement une forme de médiation curative avec ses élèves. Cette « dimension thérapeutique » se retrouve dans son héritage même s’il importe de rappeler que le yoga n’est pas une thérapie mais un système philosophique.
Nous l’avons dit précédemment, l’Ashtanga propose plusieurs séries composées chacune d’un enchainement précis de plusieurs postures. On en compte souvent six mais certains professeurs en proposent d’autres. La première, la plus couramment utilisée, est plus accessible. Elle est connue pour détoxifier et renforcer le corps mais aussi pour stabiliser le système nerveux. La seconde a pour but de purifier le corps, la troisième agit sur les émotions et apaise le mental, les trois suivantes approfondissent le travail réalisé dans les précédentes.
L’Ashtanga yoga de façon plus générale tonifie la musculature en activant en douceur le système cardiovasculaire. Il améliore la souplesse, la mobilité articulaire, la circulation sanguine, la régulation hormonale tout en renforçant la confiance en soi et la stabilité émotionnelle.
Une pratique régulière élimine aussi les toxines car la pratique du yoga Ashtanga entraine une augmentation de la température interne. La hausse de la transpiration qui en découle permet en effet leur élimination.
Enfin, le yoga Ashtanga réduit le poids, la fatigue et favorise un meilleur axe vertical grâce à un dos fortifié débarrassé des douleurs courantes dont on sait qu’elles peuvent être handicapantes au quotidien.
Si on le préconise pour des profils plutôt sportifs compte tenu de l’engagement qu’il requiert, n’importe qui d’assidu peut pratiquer ce yoga qui au fil du temps génère une force intérieure et une vigueur physique très vite remarquables.
Un art de vivre.