Aujourd’hui, dans un studio de Yoga, vous aurez souvent le choix entre un cours de Hatha Yoga, de Vinyasa Yoga, d’Ashtanga Yoga, de Yin Yoga ou de Restauratif Yoga, pour ne citer que ces formes de Yoga les plus enseignées. Le débutant, un peu perdu face à toutes ces appellations, se verra souvent conseillé de commencer par du Hatha Yoga, présenté comme une bonne porte d’entrée, plus accessible que les types de yoga plus dynamiques.
Hatha yoga : qu’est-ce à dire ?
Le Hatha serait-il donc une pratique douce, voire un peu molle, réservée aux débutants ? Pour répondre à cette question, et ainsi dissiper les confusions et mésinterprétations, commençons par le commencement, et plongeons dans le Hatha Yoga Pradipika, que l’on pourrait traduire par « Lumière sur le Hatha Yoga ».
Écrit par le Yogi Svatmarama au XVe siècle, cet ensemble de textes est l’un des tout premiers traités sur cette pratique. Mais si le Hatha Yoga a attendu le XVe siècle pour être codifié en sanskrit par ce grand yogi, il serait bien antérieur à cette date, et certains spécialistes lui trouvent des traces dans la civilisation harappéenne, bien avant l’ère chrétienne.
Or, que nous dit ce fameux traité ? Dès le deuxième verset, il précise très clairement le but de la pratique :
« Le yogi Svatmarama, se prosternant devant son vénéré guru, donne des instructions sur le Hatha Yoga, permettant de réaliser le seul et unique but, le Raja Yoga. »
Raja Yoga et Hatha Yoga : quels sont les liens ?
Dans ce cas précis, et comme dans la plupart des œuvres les plus courantes sur le Hatha, le terme Raja Yoga renvoie à l’étape la plus élevée de la voie yoguique, à savoir le contrôle des vagues de pensées.
Ainsi, Svatmarama met d’emblée la barre très haut : la pratique a pour seul et unique but le contrôle des pensées. Il ne parle pas de gagner en souplesse, ou encore moins de réduire son stress… mais de tout simplement remporter la bataille finale sur son mental !
Comme le précise Swami Vishnudevananda dans son commentaire du Hatha Yoga Pradipika, « l’objectif est de procurer un complet contrôle sur les organes du corps et du mental, afin que le yogi puisse garder une bonne santé et ne pas être troublé durant les exercices du Raja Yoga ».
Une pratique complète pour le corps et l’esprit
Ainsi, le Hatha est une pratique axée sur le corps physique qui utilise des outils tels que les asanas (les postures), le pranayama (le contrôle du souffle), ou la méditation (dyhana), pour préparer le corps et l’esprit au but ultime de chaque voie yoguique : l’éveil spirituel.
Loin de le considérer comme un obstacle à notre élévation, le Hatha Yoga considère le corps physique comme un véhicule sacré. Les efforts du pratiquant le rendront plus pur, plus subtil et plus léger.
Là où le Bhakti Yoga utilise le chant, la prière et les rituels, et là où le Karma Yoga utilise l’action désintéressée, le Hatha utilise les postures et les techniques de purification et de respiration pour accéder à cette paix mentale qui est le véritable Graal de toutes les voies du Yoga.
Un travail sur le corps pour accéder à la paix mentale
Sans ce travail préalable sur le corps, il serait impossible d’arriver à la maîtrise du mental à laquelle il prépare. C’est ce que dit très clairement Svatmarama dans le verset 76 du deuxième chapitre :
« Parvenir à cette perfection dans le Raja Yoga sans Hatha est impossible, tout comme de l’atteindre dans le Hatha sans Raja Yoga. Par conséquent, les deux doivent être pratiqués en permanence jusqu’à l’aboutissement. »
Autrement dit, arrêter les vagues de pensées n’étant pas chose aisée, on essaie d’abord, par la pratique du Hatha Yoga, de maîtriser le prana, l’énergie vitale. Mais maîtriser le prana n’étant pas non plus chose aisée, on essaie, toujours grâce au Hatha, de le contrôler par le biais de la respiration. Mais maîtriser son souffle n’étant pas toujours chose aisée, on essaie de le ralentir et de le régulariser par la tenue de postures dont le Hatha Yoga détient le secret.
Ainsi, par le physique, on va au prana subtil et ensuite, vers un niveau encore plus subtil, vers la pensée. Comme toute voie yoguique complète, le Hatha prescrit toute une gamme de pratiques pour transformer son corps physique en un véritable temple à même d’éveiller le divin qui loge en chacun.
Éveiller l’énergie vitale grâce au yoga
Et parce qu’il appartient à la tradition du tantrisme, cet éveil va de pair avec l’éveil de cette puissante énergie qu’est la Kundalini.
« Comme la plupart des écoles tantriques, explique Georg Feuerstein dans son livre Traditional Yoga Studies, le Hatha Yoga opère sur la base de ce que l’on a pu appeler « l’anatomie ésotérique ».
Les principaux « organes » du corps subtil sont les centres psycho-spirituels (chakras), le réseau de conduits praniques (nadi) et la très puissante force de Kundalini, qui est considérée comme la véritable dynamo du processus spirituel.
La contribution principale du Hatha réside dans une série innovante de pratiques de purification (shodhana) censée défaire les blocages dans les canaux subtils et des pratiques physiques élaborées, telles que des postures, des sceaux (mudra) et des fermetures (bandha), ainsi que des techniques de contrôle du souffle.
Le but de toutes ces pratiques est d’interrompre le flux et le reflux de la force vitale dans le corps et de la concentrer le long de l’axe corporel. Ce dernier est appelé « Sushumna nadi » est la partie la plus profonde du canal central. Hatha Yoga Pradipika réfère d’ailleurs à cette mystérieuse force serpentine comme : « celui qui la connaît, connaît le Yoga ».
L’ancêtre des yogas posturaux
Le Hatha Yoga, ainsi défini, n’a donc rien d’une pratique douce, voire un peu molle ! Et non seulement le Hatha Yoga est une pratique formidablement puissante, mais en plus, il est l’ancêtre de tous les yogas posturaux nés très récemment.
En effet, pour être tout à fait exact, on devrait dire que tous les styles de yoga qui utilisent les postures, le souffle et la méditation sont du Hatha Yoga ! Le Vinyasa Yoga, l’Ashtanga Yoga, et même le Yin et le Restauratif Yoga, au sens classique du terme, ne sont rien d’autre que du Hatha Yoga.
Pourquoi ces distinctions entre les types de yoga ?
Parce que la pratique du Yoga s’est beaucoup diversifiée dans notre monde moderne, l’habitude a été prise de qualifier de « Hatha Yoga » la pratique qui se rapproche le plus de sa forme traditionnelle.
Mais comme toutes les pratiques actuelles, le Hatha Yoga d’aujourd’hui est assez éloigné du Hatha Yoga dont parle Svatmarama dans le Hatha Yoga Pradipika.
De nos jours, le Hatha Yoga est pratiqué avant tout pour ses postures, et pour les bénéfices physiques et psychiques que l’on peut en tirer. Souplesse, détente, vitalité, gestion du stress, renforcement musculaire… Le Hatha d’aujourd’hui est surtout pratiqué pour ses effets secondaires, et non plus pour son objectif final, l’éveil spirituel.
Comme le dit David Frawley dans son livre Yoga et Ayurveda, « la plupart des occidentaux pratiquent les asanas sous forme de culture physique. Ils associent le yoga aux postures. Alors que les asanas sont une discipline à part entière, il ne faut pas confondre les asanas pratiqués en tant que culture physique ou thérapie avec leur rôle en yoga classique. Nous ne devons pas réduire le yoga aux asanas qui ne sont qu’une fraction d’un système beaucoup plus vaste. »
Ainsi, à condition d’être un cours de niveau débutant, le Hatha peut effectivement être une merveilleuse porte d’entrée pour une personne qui pratiquerait le yoga pour la première fois. Mais il ne s’agira généralement pas véritablement de sa forme traditionnelle.
Cela ne signifie pas que son cours sera médiocre ou peu bénéfique.
Pas du tout.
Cela signifie simplement que par la suite, s’il se sent porté par la pratique, cet élève aura la joie de découvrir ce qui se cache de bien plus profond derrière tout cela…
Pouvez-vous je vous prie me dire si l’un des cours de Hatha yoga de la salle de la rue Cardinet est plutôt « débutant »? Merci beaucoup